Dix élus russes s’envoleront pour les JO de Tokyo
Seuls quelques dix athlètes russes ont été sélectionnés pour participer aux Jeux olympiques 2020 sous bannière neutre, suite à l’exclusion de la Russie pour dopage.
La Fédération internationale d’athlétisme a annoncé ce jeudi laisser une petite sélection d’athlètes russes concourir à Tokyo en juillet. Ces rares élus ont dû montrer patte blanche et prouver qu’ils n’étaient pas impliqués dans le programme de dopage mis en place par la Russie, ni que leurs échantillons n’avaient pas été falsifiés. Ils participeront aux compétitions sous bannière neutre et sans que l’hymne national ne soit joué.
Les lourdes conséquences de la triche russe
La décision était historique. Le 9 décembre 2019, l’Agence mondiale antidopage (AMA) prononçait le bannissement de la Russie de toute compétition sportive internationale d’envergure pour les quatre prochaines années.
Une série de sanctions sans précédent pour avoir falsifié une base de données et manipulé les résultats transmis à l’AMA au début de l’année 2019. Les experts informatiques de l’Agence ont découvert que «des centaines» de résultats suspects avaient été effacés de ces données, pour certains entre décembre 2018 et janvier 2019, juste avant leur remise.
Une saga à rebondissements
Cette falsification est l’un des nombreux épisodes d’un vaste scandale révélé en 2015, impliquant des hauts fonctionnaires, des agents secrets et des fioles d’urine trafiquées. Depuis 2011, la Fédération russe d’athlétisme (Rusaf) avait mis en place un vaste programme de dopage institutionnel. L’affaire en quelques dates-clés:
- 2016 : Dix-huit mois après une enquête de la chaîne allemande ARD, le rapport McLaren confirme les soupçons de dopage d’Etat et de manipulation systématique des échantillons au laboratoire de Moscou entre 2011 et 2015. L’agence antidopage russe, Rusada, est déclarée non conforme par l’Agence mondiale antidopage (AMA).
- 2018 : L’AMA réintègre Rusada contre la promesse de récupérer les données techniques conservées au laboratoire de Moscou, afin de pouvoir prononcer des sanctions.
- Janvier 2019 : La Russie transmet les données du laboratoire de Moscou.
- Septembre : L’AMA annonce avoir identifié de probables manipulations de données.
- 9 décembre : Suivant l’avis de son comité de conformité indépendant, l’AMA exclut la Russie des Jeux olympiques d’été, à Tokyo en 2020, et d’hiver, à Pékin en 2022, ainsi que de toute grande compétition mondiale, comme la Coupe du monde de football.
- 27 décembre : La Rusada annonce avoir envoyé sa lettre formelle contestant l’exclusion de la Russie des compétitions sportives mondiales pour avoir falsifié une base de données antidopage.
- 12 mars 2020 : la Fédération internationale d’athlétisme annonce qu’un maximum de dix athlètes russes seront autorisés à participer aux Jeux olympiques de Tokyo sous bannière neutre.
La Russie blessée dans son orgueil
L’agence russe antidopage Rusada avait fait recours contre la décision de l’AMA, sans succès. L’affaire a pris alors une ampleur politique: les autorités russes mettant en avant l’idée d’un complot occidental pour éliminer un concurrent. Le président russe Vladimir Poutine avait dénoncé des sanctions «injustes» et jugeait la décision de l’AMA «politiquement motivée», estimant que «n’importe quelle punition doit être individuelle» et non collective. Son premier ministre, Dmitri Medvedev, y voyait quant à lui la preuve d’une «hystérie antirusse».
Jusqu’à aujourd’hui, le sport constituait un enjeu d’importance pour la politique russe. Vladimir Poutine s’est appuyé sur les grandes compétitions pour bâtir le prestige de son pays, organisant les Jeux olympiques d’hiver à Sotchi (2014) ou les Mondiaux d’athlétisme (2013), de natation (2015) et de hockey sur glace (2016). La Coupe du monde de football (2018) a, elle, attiré plus de 3 millions de touristes et 17 chefs d’Etat étrangers avaient assisté à la cérémonie d’ouverture.
Un prestige sportif probablement condamné à perdre de son éclat ces quatre prochaines années.
Marine Brunner
